Vous vous êtes très investi au sein d’une association qui aide les médecins cubains :
J’ai effectivement une activité bénévole et humanitaire avec Cuba, au sein notamment de l’association Médicuba
Tout cela a commencé en 2009 avec un hôpital de la Havane. Il s’agissait de mettre en place un protocole destiné à diminuer le taux d’infections dans leur unité de soins intensifs. Le programme a pris de l’ampleur. Un système d’échanges a été organisé entre étudiants cubains et étudiants genevois dans le cadre de leur formation clinique.
Les liens avec Cuba se sont resserrés en 2014 lorsque nous avons accueilli ce médecin cubain malade d’Ebola. C’était le seul qui était tombé malade de toute une brigade. Après avoir été soigné chez nous, il est resté en convalescence dans son pays et il est très vite retourné en Afrique de l’ouest pour terminer son travail. Il est de plus devenu un très bon ami.J’entretiens donc, depuis 2014, des contacts avec le ministère de la santé cubain. Le système initial de prévention d’infections s’est renforcé. En 2009 Je m’étais rendu compte qu’ils n’avaient pas de solutions pour se désinfecter les mains. Le ministre de la santé de l’époque a signé, avec 120 autres pays,un programme avec l’OMS de désinfection des mains « cleaner care, safer care ». Je leur ai suggéré d’utiliser l’alcool de canne à sucre qu’ils avaient en y ajoutant de l’eau oxygénée et un petit émollient pour fabriquer une solution hydro alcoolique. Nous l’avons mis en place dans un service et cela s’est peu à peu étendu à l’hôpital puis dans cinq hôpitaux de la Havane puis en province grâce à l’interaction du docteur suisse Martin Hermann. Comme vous le savez, à Cuba, il faut s’éloigner de l’importation à cause du blocus.Par la suite, un programme multimodal a été initié pour faire baisser les infections. Nous les avons accompagnés pour mesurer le taux d’infection. En deux ans, nous avons réussi à faire baisser le taux d’infection de 50%.
Pourquoi un tel attachement envers les Cubains?
Le pays a réussi de belles choses dans le domaine de l’éducation et de la santé. Les cubains que j’ai rencontrés sont hyper attachants. Le personnel médical parvient avec peu, à faire des miracles en étant faiblement rémunéré. Leur abnégation, leur foi pour le métier, la gratuité des soins, pourraient servir d’exemples. Ils ont réussi à produire des médicaments, des vaccins, ils disposent d’une biotechnologie de pointe. Ils vendent également leur savoir-faire.
Leur idéal révolutionnaire un peu romantique dés 1960 a été de vouloir créer une armée blanche. En 1959, beaucoup de médecins ont fui au Etats-Unis. Ceux qui sont restés ont décidé de créer, avec Fidel Castro, des équipes de médecins qui soient non seulement suffisantes pour l’île, mais aussi que ces équipes puissent être envoyées dans les pays qui en ont besoin.Depuis presque 60 ans, des milliers de médecins sont partis à l’étranger, le pic étant de 40.000, soit le nombre de médecins en Suisse.
Cela leur a été reproché par les anticastristes et les contre-révolutionnaires qui avançaient qu’ils gagnaient de l’argent. Ce n’est pas complètement faux dans le sens où certains pays qui en avaient les moyens, recrutaient des médecins cubains pour aller dans des endroits où leurs propres médecins ne voulaient pas aller. Cela a été le cas au Brésil. Le dernier médecin que l’on voyait dans la jungle était cubain. Une partie du salaire du médecin lui revient et l’autre est reversée au système de santé étatique. A Haïti, 1000 médecins ont été envoyés gratuitement le lendemain du tremblement de terre. La même chose pour Ebola en Angola, au Mozambique, au Congo.
Pour en avoir rencontré beaucoup, ils ont un idéal, une vraie sincérité et une fierté d’avoir accompli des missions qui durent deux ou trois ans. Ils sont mieux payés, accumulent leur salaire à Cuba et, avec ce pécule, ils peuvent s’acheter une maison ou une voiture.
En 2014, pour Ebola, il fallait avoir du courage ! Ils ne connaissaient pas la marche à suivre, ils se sont entraînés. La brigade Henry Reeve, dont on parle car elle est nominée pour le prix Nobel, a été créée en 2005 à la suite de l’ouragan Katrina. 1000 médecins entraînés pour ce type de catastrophe sont mobilisables immédiatement pour intervenir partout dans le monde pour des urgences sanitaires et épidémiologiques, ce qu’ils ont fait au Pakistan, en Equateur,à Haïti et pour Ebola. En 2017, Mme Margaret Chan leur a remis le prix Dr Lee Jong Wook pour la santé publique. Ce prix est décerné à « des personnes ou à des groupes qui ont apporté une contribution exceptionnelle à la santé publique et dépassant de loin ce qu’on pouvait attendre normalement d’eux ». Pour l’anecdote, c’est notre collègues médecin cubain, soigné à Genève qui est allé chercher ce prix.
Ils ont une façon de travailler différente car, et on l’a vu pour Ebola, ils touchent les malades. Ils refusaient la barrière rouge mise en place par leurs confrères. Ils se sont protégés et ont placé les perfusions. Cela a permis de faire baisser la mortalité de 60 à 20% dans leur centre.
Des brigades sont intervenues pour la Covid, ils ont amené avec eux des médicaments dont l’interféron qui est le même que celui utilisé pour la sclérose en plaques. Peu d’informations filtrent à ce sujet mais je sais qu’ils l’utilisent pour soigner des inflammations pulmonaires liées au Covid.
Medicuba:,
L’association existe depuis 25 ans, je les ai rejoints il y a quelques années et je fais partie du comité. J’ai énormément de plaisir à travailler avec eux. Ils mettent en place des projets et les financent. Nous avons des relais en Suisse et sur l’île. Il y a quelques semaines, une émission de radio scandaleuse sur la RSR a repris sans les vérifier, tous les poncifs des organisations anti-cubaines qu’on peut trouver sur internet et qui ont été retransmis pour certains mots pour mots. Médicuba a écrit une lettre à la radio. Le gouvernement cubain a également réagi.
Médicuba avait déjà fait l’objet d’un article en 2012.
Nota : Vous pouvez soutenir des projets de santé publique :en visitant le site www.medicuba.ch