Martine Thévenot, présidente de l’AFIF a multiplié les actions ces derniers mois pour tenter de répondre aux questionnements de ceux qui représentent, à l’heure actuelle, quelque 15 % de l’effectif employé au sein des Organisations internationales.
Martine Thévenot, pouvez-vous tout d’abord nous présenter l’AFIF, son origine et son utilité ?
Tout d’abord, merci pour cette invitation. Je me félicite, en tant que présidente de l’AFIF, de la création de ce nouveau média « Synergies internationales » original et francophone dédié à l’information et vecteur d’actions.
Depuis la Genève internationale jusqu’à Berne, les français qui travaillent en Suisse connaissent l’AFIF qui a été créée en 1981 suite à des décisions françaises dont l’impact est encore présent aujourd’hui. Notre association a subi des fluctuations des départs et arrivées communs à la vie de toute association. Tous nos prédécesseurs ont œuvré pour répertorier et tenter de solutionner les préoccupations de nos compatriotes. J’occupe la présidence depuis 2012. Nous avons souhaité redonner une nouvelle dynamique dans le but de solidariser les fonctionnaires français résidents en Suisse et en France, ce qui n’est pas une chose facile. L’AFIF sert donc à soutenir la représentation de ces intérêts auprès des Organisations internationales. Nous constatons une certaine réussite dans ce domaine, c’est un travail de longue haleine sur lequel il ne faut rien lâcher. Ce qui me fait dire que notre objectif est lisible et reconnu, c’est que nous sommes soutenus par des fonctionnaires de toutes nationalités, et leurs représentations respectives. Tous ont besoin d’informations sur la fiscalité, la santé, le mode du travail. Ils font appel à nous, ce qui constitue un signe incontestable de notre connaissance dans ces domaines.
Justement, quels sont les rapports avec les différents interlocuteurs institutionnels qui procurent ces informations ?
L’’Etat hôte avec la Mission Permanente de la Suisse, constitue l’un de nos interlocuteurs privilégiés et nous apporte les réponses dont nous avons besoin. La diplomatie française nous soutient, la Mission permanente de la France et son Ambassadeur Nicolas NIEMTCHINOW. Nous avons également établi un partenariat avec la Délégation des Fonctionnaires Internationaux à Paris. Cette réciprocité entre nos deux associations est basée sur la confiance. Paris vient à Genève et vice et versa et la construction d’objectifs communs se met en place de manière naturelle et coordonnée. L’AFIF est autonome et seule décisionnaire, mais l’écoute est indispensable entre les partenaires pour parvenir à atteindre les objectifs fixés par notre bureau.
Vous « montez à Paris » ?
Je n’hésite pas en effet. Récemment j’ai été reçue au cabinet de la ministre de la santé pour ce qui concerne la réforme de l’assurance maladie qui touche les droits et l’accès à la santé. Précédemment, je m’étais rendue à Bercy pour présenter les problèmes de fiscalité. J’essaie de convaincre mes interlocuteurs que la CSG/CRDS qui donne à l’Etat le droit de procéder à des prélèvements, en les qualifiant de « contributions sociales sur les revenus du patrimoine des personnes affiliées auprès de caisses étrangères ». Ce n’est pas une bonne idée et encore moins lorsqu’elle est appliquée aux fonctionnaires internationaux retraités en France. Le sujet de la fiscalité dans son ensemble constitue dailleurs un lourd dossier. L’assurance chômage représente également un dossier important. Nous avons contacté les instances adéquates mais je déplore que nous n’ayons pas suffisamment avancé pour le moment. L’assurance chômage est toujours extrêmement chère car les fonctionnaires doivent prendre en charge la charge patronale ce qui est anormal. Nous sommes attachés au dossier de la francophonie, nous entretenons un rapport privilégié avec l’Organisation Internationale de la Francophonie à Genève et au siège à Paris.
Quelles sont vos interventions les plus courantes ?
Nous rencontrons régulièrement des fonctionnaires et les aidons s’ils le demandent. En revanche, nous n’agissons pas auprès des administrations car ce n’est pas notre mandat. Nous sommes régulièrement informés des problèmes de risques psychosociaux et notamment de harcèlement qui sont inacceptables. Les différentes administrations ont pourtant des structures en place mais, en dépit de ces mesures, le coût pour l’entreprise est important, le drame humain est inacceptable. Nous traitons les dossiers qui nous sont soumis et nous invitons les fonctionnaires à ne pas hésiter à nous transmettre leurs requêtes mais également nous donner des idées et même leur expertise. La tâche est lourde et chaque énergie ajoutée peut avoir son importance. A ce titre, actifs et retraités sont les bienvenus.
Quelle est la proportion de fonctionnaires français dans les organisations, sont-ils trop nombreux ?
Ils sont environ 3000 à Genève et à Berne ce qui équivaut à 15 % des effectifs des fonctionnaires. Merci de me poser cette question majeure. J’entends en effet souvent dire que les français sont trop nombreux. Un simple regard sur une carte de la région explique cet état de fait. Comme pour les frontaliers, il y a quelques dizaines d’années, les organisations ont eu besoin de personnel qualifié, essentiellement dans les services généraux. Les entités recruteuses sont allées chercher leurs employés à la frontière côté France. Certains, pas tous, ont pu faire carrière. Ces personnes ont fait fonctionner les organisations et n’ont pas à avoir honte d’être représentées dans cette proportion.
A propos de faire carrière, vous avez organisé une conférence à ce sujet récemment ?
Cette conférence répondait à la fois à une demande, mais aussi à une problématique. Beaucoup de personnes qui ont des capacités n’arrivent pas à évoluer. Nos intervenants pendant la présentation qui a duré deux heures, ont guidé les personnes présentes depuis la manière de postuler et de remplir un CV et comment faire démarrer cette carrière.
Nous allons essayer de mettre en place de nouvelles présentations et notamment sur le sujet de la validation des acquis. Des gens compétents et efficaces qui ne possèdent pas le diplôme « sésame » comme un master, voient portes closes pour toute progression de carrière. L’efficacité et l’engagement de l’employé qui sont pourtant déterminantes pour faire avancer les choses, passent loin derrière le diplôme. Les diplômes sont utiles mais ne suffisent pas. Il s’avère que la qualification acquise au fil des années et la compétence sont souvent muselées par la stagnation dans la carrière de l’employé et, au final, dessert l’efficacité du fonctionnement de l’organisme.
Nous allons tout mettre en œuvre pour donner un accès facilité à cette formule de validation de compétences. Restez attentifs, inscrivez-vous sur notre site afin d’être informés sur la mise en place de cette prochaine présentation (en avril et en mai 2015) Ceux qui n’ont pas eu l’opportunité, la chance ou même le courage de faire valider leurs compétences n’auront plus aucune excuse !
Comment fonctionne l’AFIF ?
Au sein du bureau, chaque personne a souhaité s’engager. La priorité reste une réponse rapide et complète aux adhérents qui sont considérés comme des clients. Il est important également de ne pas souffrir dans ses activités extra-professionnelles et trouver un équilibre. L’ambiance entre nous est bonne, chacun apporte sa contribution sans contrainte .Je suis très satisfaite de l’efficacité démontrée par notre bureau, notamment pour la qualité et la promptitude des réponses apportées à nos adhérents. Dans ce cadre, nous avons toujours besoin d’aide parmi les actifs et les retraités. Ces derniers possèdent une expertise qui peut s’avérer déterminante pour certains dossiers.
Le bureau est constitué par des collègues provenant de plusieurs organisations. Ils représentent l’AFIF comme « focal-points » dans leurs entités respectives. Nous lançons un appel pour que des volontaires de toutes les autres organisations nous rejoignent.
Il faut savoir que l’investissement au sein d’une association comme la nôtre ouvre des perspectives très valorisantes et passionnantes pour une personne qui possède des valeurs, une compétence et souhaite à la fois les partager et en acquérir de nouvelles. Cependant, même s’il s’agit de bénévolat, le sérieux et le professionnalisme doivent être présents. Malheureusement, des gens se font élire et restent invisibles ce qui est très pénalisant pour le reste de l’équipe, mais je crois que c’est le lot commun de toute association. Le but ultime recherché serait de parvenir à obtenir une parfaite solidarité entre tous nos collègues, c’est difficile, nous sommes loin du compte mais nous faisons en sorte d’essayer de toucher cet objectif au plus près. L’adhésion reste également un problème, beaucoup de personnes nous demandent de les aider mais n’adhèrent pas. Le coût de la cotisation annuelle (50CHF) ne représente pourtant pas un grand sacrifice pour un fonctionnaire international !
Quels sont les défis pour cette année 2015 ?
Carrières, assurance maladie, assurance chômage, CSG, fiscalité, retraites, environnement avec la future conférence qui se déroulera à Paris, les défis ne manquent pas ! Il est essentiel de faire comprendre à nos interlocuteurs institutionnels la complexité de la région du fait de cette enclave française à proximité de la Suisse, des nombreux fonctionnaires et du soutien nécessaire de la France pour valoriser une spécificité harmonieuse qui apporte énormément aux deux pays concernés. Les fonctionnaires internationaux français ne sont pas des nantis, ils ont apporté énormément aux organisations qui les ont employés. Le rayonnement de la région dans son ensemble, sa vitalité, son économie et les spécificités d’emploi et de vie doivent être pris en compte et se révéler à la hauteur pour ne pas nuire à l’image et la place de la France au sein de la Genève Internationale. Enfin, et parce que les rencontres et évènements festifs renforcent les liens, je vous invite à participer également à nos prochaines rencontres plus informelles et festives.